Présentation de notre nouvelle équipe de recherche MFX
22 août 2018
MFX (pour Matter from Graphics), c’est le nom de la toute nouvelle équipe du Loria. Son domaine de recherche ? La modélisation 3D de pièces pour la fabrication additive, conjuguée à une réflexion sur la manière de concevoir et produire les objets. Entretien avec Sylvain Lefebvre, directeur de recherche Inria et responsable de cette nouvelle équipe.
Fabrication additive : de quoi parle-t-on ?
La fabrication additive recouvre les procédés de fabrication assistés par ordinateur qui ajoutent de la matière progressivement pour former un objet. Ce que l’on appelle communément l’impression 3D est l’un de ces procédés.
Apparues depuis plusieurs décennies, dès le milieu des années 80, ces technologies séduisent pour de multiples raisons.
Utilisées tout d’abord à des fins de prototypage dans le milieu industriel, elles sont en train de révolutionner la manière dont l’ingénierie imagine et fabrique des pièces. Elles offrent, par exemple, la possibilité de réaliser directement des pièces en petite série, sans aucun moule ou modèle intermédiaire : il suffit d’envoyer le modèle numérique à la machine qui va le produire immédiatement.
Ces technologies séduisent également pour la fabrication de pièces uniques et personnalisées, comme des prothèses sur mesure dans le milieu médical. Elles offrent aussi une grande complexité de formes, et ce sans surcoût. Ce sont donc des techniques de fabrication très prometteuses pour l’allègement de pièces dans le domaine aérospatial. Mais c’est aussi un outil d’apprentissage pour comprendre les formes et les mécanismes, s’entraîner, ou bien encore pour la visualisation physique et la compréhension des formes et de leurs interactions.
Que fait l’équipe MFX, d’un point de vue scientifique ?
Les membres de l’équipe cherchent à modéliser des pièces pour la fabrication additive, et plus particulièrement des pièces complexes, plus difficiles à créer même avec un ordinateur, parce qu’elles sont très détaillées et doivent, dans le même temps, répondre à de fortes contraintes (épaisseurs, angles, orientations, rigidité, poids total). Créer des pièces très complexes offre ainsi la possibilité unique de provoquer, le long d’un même objet, des modifications de comportement, via une structuration fine de la matière. Il devient par exemple possible de varier rigidité, souplesse, porosité, densité, couleur, et ce de différentes manières en différents endroits. Et pour permettre aux personnes en charge du design et de l’ingénierie de concevoir elles-mêmes des pièces complexes, l’équipe cherche justement à automatiser les méthodes de modélisation. Elle utilise pour cela des méthodes de synthèse : des algorithmes qui vont générer les détails des formes et des contenus, en tenant compte de toutes les contraintes, et en premier lieu des objectifs du concepteur ou de la conceptrice.
Bien entendu, la manière de préparer les pièces, c’est-à-dire le traitement numérique qui permet de passer de la 3D à la pièce fabriquée, a aussi une grande importance. C’est ce qui permet de garantir et d’améliorer la qualité et les propriétés des pièces, le tout grâce à des algorithmes qui préparent au mieux les instructions exécutées par les machines de fabrication.
Nous nous sommes lancés un certain nombre de défis scientifiques. Nous voulons en effet représenter des formes d’une très grande complexité, similaires à des mousses et des éponges, mais dont tous les paramètres sont contrôlés pour obtenir un comportement spécifique. Nous souhaitons également modéliser les contraintes géométriques des procédés pour leur prise en compte par des algorithmes de conception et de traitement des pièces. Nous gérons également la complexité géométrique à toutes les étapes : modélisation, calculs préparatoires et fabrication et prenons aussi en compte les propriétés des matériaux dans les algorithmes qui pilotent les procédés. Enfin, il nous faudra créer de nouveaux outils de modélisation 3D pour permettre aux praticiennes et praticiens de la médecine, de l’artisanat mais également les « makers » d’utiliser la fabrication additive ; autrement dit créer les outils fondamentaux qui sont derrière les interfaces, elles-mêmes créées par des expertes et experts en Interaction Homme Machine.
Pour cela, l’équipe a investi dans plusieurs imprimantes 3D (à filaments, à résines, à poudre), et s’appuie sur son réseau international de collaborateurs et collaboratrices académiques comme industriels. D’un point de vue pratique, toute l’équipe utilise le logiciel gratuit IceSL qu’elle développe elle-même pour ses recherches et qui rassemble toutes les techniques les plus récentes qu’elle a elle-même créées.
Quels sont les enjeux des travaux de l’équipe ?
Aujourd’hui, les machines 3D peuvent faire beaucoup de choses, mais nous manquons de logiciels et de méthodes pour exploiter l’ensemble des possibilités, et en particulier celle de former des objets d’une grande complexité géométrique. Les algorithmes que nous créons doivent aider à gérer cette complexité et permettre d’exploiter tout le potentiel de la fabrication additive.
Bien que les applications possibles soient très nombreuses, notre équipe se concentre prioritairement, au travers de diverses collaborations, sur les utilisations dans les domaines de la santé, du design et de l’aérospatial.
Dans le monde médical les enjeux sont multiples : conjugaison sur une même pièce de différents matériaux, fabrication sur demande de prothèses ou d’orthèses adaptées aux contraintes des malades ou qui nécessitent d’évoluer en fonction des pathologies.
Dans le domaine de l’aérospatial, le potentiel est considérable : allégement de pièces, fabrication de pièces comportant de nouvelles propriétés (échangeurs thermiques, fluides circulant dans des pièces poreuses), réduction de stocks et de délais de maintenance dans l’aviation (pièces de rechange).
À peine créée, l’équipe MFX compte à son actif quelques belles réussites ! Des collaborations avec des universités prestigieuses (Hong Kong, TU Berlin, TU Delft, le CNR d’Italie), des projets en communs avec des scientifiques spécialistes en matériaux (Institut Jean Lamour, Laboratoire des Réactions et Génie des Procédés), mais aussi des projets ANR en cours et déjà en 2018 quatre articles acceptés dans deux des grandes conférences du domaine : ACM SIGGRAPH et I3D, ainsi qu’un livre (Design, Representations and Processing for Additive Manufacturing) également sorti en juin dernier.
Article rédigé par Véronique Poirel d’Inria Nancy-Grand Est